« Petite » demande de brevet bien sympathique que celle publiée ce matin au nom d’Apple (au côté de 11 autres demandes). En effet, la demande US 20120250914 titrée « DETACHABLE WIRELESS LISTENING DEVICE » propose un concept très simple mais fort pratique: doter le cordon de nos écouteurs audio d’une prise magnétique permettant de « couper le cordon » (indiquée par la flèche rouge ci-dessous).
Une fois les deux éléments de cette prise magnétique détachés l’un de l’autre, ils continuent à communiquer mais cette fois par onde radio (wireless).
Du coup, hop, vous pouvez ranger votre iPod dans votre poche et continuer à écouter votre musique, particulièrement pratique lorsque vous gesticulez au fitness.
Et si vous n’aimez pas l’idée de vous promener avec un cordon reliant vos deux oreilles et pendouillant sous votre menton, Apple a pensé à une version « oreillette » bien plus discrète.
C’est simple, c’est beau, c’est Apple (et là vous pouvez lâcher les commentaires sardoniques…).
Apple et la médecine, c’est un peu comme deux adolescents qui se tournent autour sans vraiment oser conclure. La firme à la pomme serait-elle sur le point de faire le premier pas en s’engageant dans la fourniture de services pour les personnes équipées d’aides auditives ? C’est en tout les cas ce que l’on est tentés de penser devant les deux demandes au nom d’Apple que l’Office américain des brevets (USPTO) a rendu publique ce matin même.
De quoi ça parle ?
Dans le premier document (US 20120183165), les ingénieurs à pépins proposent la mise à jour en temps réel du profil d’utilisation d’un appareil auditif en fonction de la situation dans laquelle se trouve la personne qui en est équipée.
De tels dispositifs existent et permettent d’aller plus loin que la simple modification du volume d’écoute.
« These programs reduce audio feedback (whistling), reduce background noise, detect and automatically accommodate different listening environments (loud vs. soft, speech vs. music, quiet vs. noisy, etc.), control additional components such as multiple microphones to improve spatial hearing, transpose frequencies (shift high frequencies that a wearer may not hear to lower frequency regions where hearing may be better), and implement many other features. In some embodiments, the hearing aid wearer has almost complete control over the settings of most, but not all, settings.«
L’amélioration du concept, telle que proposé par Apple, consiste à détecter automatiquement des éléments de l’environnement (un concert de rock, des travaux, la TV du voisin, un concert de vuvuzelas, les exemples imaginables sont sans fin), à les transmettre à un serveur distant pour que celui-ci détermine le profile d’utilisation le mieux adapté et le communique à l’appareil auditif. Ce dernier modifie alors ses paramètres (traitement du signal pour réduire le bruit de fond, transposition de fréquences, etc…) sans que l’utilisateur n’ai à le faire lui-même (une validation lui est tout de même demandée).
L’appareil auditif peut avoir recours à un dispositif de transmission externe pour communiquer avec le serveur, dispositif également susceptible de stocker les profiles. La demande de brevets mentionne l’iPhone mais également l’iPod comme pouvant assurer ce rôle d’intermédiaire.
Le second document (US 20120183164) va plus loin en proposant toujours une mise à jour contextuelle et en temps réelle du profile d’une prothèse auditive mais cette fois en réseau avec d’autres utilisateurs. Il ne s’agit donc de rien de moins qu’un réseau social pour malentendants, ce que la demande de brevet mentionne par ailleurs dans son titre « SOCIAL NETWORK FOR SHARING A HEARING AID SETTING ».
US 20120183164 – Lets get social
Là encore, le rôle de transmetteur est joué par un iPhone qui, l’on s’en doute, hébergera également l’application de réseau social. Le système est intéressant en ceci que les utilisateurs se trouvant dans un événement donné pourront attribuer une note à chaque profile disponible et ajouter un commentaire, permettant aux autres utilisateurs de sélectionner le meilleur profile.
« […] The received review includes at least a commentary portion and a rating portion each provided by a previous user of the hearing aid setting, and wherein the hearing aid setting is requested only when the received review indicates that the updated hearing aid setting is acceptable based upon the commentary portion and the rating portion.«
So what ?
Voilà une première étape de franchie pour Apple vers ce qui pourrait être une diversification pertinente. La mise en oeuvre de ces deux demandes de brevets permettrait en effet de conclure un partenariat avec des fabricants d’aides auditives, de vendre une App spécialisée, de tirer partie de ses fermes de serveurs pour le traitement des données et, last but not least, de remettre un pied dans les réseaux sociaux (même si celui-ci serait plus proche de Localiser mes amis que de Facebook).
Certes, la tentation « Medical device » n’est pas nouvelle chez Apple comme en atteste la vidéo ci-dessous dans laquelle Scott Forestall présente iOS 3 comme une plateforme pour le monitoring médical. Ce qui est nouveau, en revanche, est le fait qu’Apple développe elle-même cette technologie alors qu’elle se limitait jusqu’ici à présenter des utilisations de sa plateforme mobile par des tiers.
Ces deux demandes de brevets rejoignent donc celle dans laquelle Apple envisageait l’intégration d’un détecteur cardiaque dans son iPhone pour constituer ce que l’on pourrait imaginer être le prémisse du porte-feuille brevets d’une nouvelle business unit: Apple Medical.
C’est le média en ligne Largeur.com qui s’en fait l’écho: la guerre des brevets fait à nouveau rage entre Apple et Samsung, après une courte accalmie.
Le contentieux porte, selon Apple, sur la violation de ses brevets sur les interfaces tactiles par l’ensemble de la gamme Galaxy du constructeur sud-coréen. La riposte de Samsung ne s’est pas fait attendre et a porté sur l’iPhone 4S, pour les mêmes raisons (violation de brevets).
Mais il ne faut pas s’y tromper, l’objectif derrière ces contentieux est purement commercial: empêcher le concurrent de commercialiser son produit (ou au moins le retarder) afin d’occuper au maximum un terrain stratégique dans un secteur de marché donné.
Jusqu’ici, Apple en sort avantagée si l’on en croit l’article de Largeur.com:
« Les ventes de la tablette Galaxy 10.1 ont été gelées en Australie. Et celles des smartphones Galaxy S, Galaxy S II et Ace ont été temporairement bannies dans 30 pays européens. » La guerre commerciale à coups de brevets – largeur.com 09.03.2012
Une chose en certaine, la situation est complexe et engage pléthore d’acteurs, au-delà d’Apple et Samsung: Google, Kodak, Amazon, Oracle, Sony, Microsoft et bien d’autres encore, tous sont touchés de près ou de loin. Et le plus surprenant reste encore que certains de ces belligérants sont aussi des partenaires:
« Pourtant, les rivaux sont également partenaires: Samsung fabrique en effet les processeurs de l’iPhone 4, l’iPhone 4S, l’iPad2 et l’iPod Touch. » La guerre commerciale à coups de brevets – largeur.com 09.03.2012
Cette situation constitue une dérive dommageable du système des brevets (exclusivité d’exploitation d’une innovation durant un maximum de 20 ans en échange de sa totale divulgation) qui s’apparente désormais à une course à l’armement. On se souviendra par exemple de l’achat par Google du porte-feuille de Motorola (12,5 milliards de dollars) afin de constituer une force de dissuasion face à ses concurrents dans ce qu’il faut bien appeler « une guerre mondiale de la propriété intellectuelle ».
Guerre des brevets: qui frappera le premier ? Relire l’article Patent Absurdity
Seul espoir d’un refroidissement de cette guerre commerciale, une loi a été signée en fin d’année passée par Barack Obama. Elle tente de réformer le système américain des brevets (pour la première fois depuis 60 ans !) afin de le rapprocher de ce qui se pratique dans le reste du monde (un brevet est accordé au premier à en faire la demande (first to fill) et non au premier à avoir fait une invention, le second système occasionnant plus de litige car étant plus difficile à prouver).
Malheureusement, si l’on ajoute au tableau l’action extrêmement néfaste et agressive des fameux patent trolls (des entreprises qui constituent d’énormes porte-feuilles de brevets non pas à des fins de production mais uniquement pour pouvoir attaquer d’autres sociétés et vivre des fruits de leurs poursuites judiciaires) et la croissance exponentielle des porte-feuille brevets des acteurs de l’industrie « informatique » (voir Dépôts de demandes internationales de brevet : Apple en 53e position), cette intensification du conflit semble là pour durer.