Ca sent encore (assez) bon en Suisse, merci


C’est la fleure au fusil et rempli de confiance que le bon Jonathan Ive avait déclaré il y a environ une petite semaine que cela allait sentir « mauvais » en Suisse une fois que la montre d’Apple serait sur le marché (lire ceci et cela).

Maintenant que la Watch est sortie et que l’on a quelques idées sur ses qualités (un peu moins sur ses défauts, hein. C’est marrant que l’autonomie de la batterie n’ai pas été évoquée…) et surtout sur son prix, il serait peut-être temps d’apprendre quelques réalités à Jony quant à ce qu’est l’horlogerie suisse.

Apple_-_Apple Watch_-_Design

Le marché auquel Jony pense donner des relents d’excréments représentait en 2013 un volume d’exportation de plus de 20 milliards de francs suisses pour plus de 28 millions de montres vendues, toutes marques suisses confondues (source: statistiques de la Fédération Horlogère Suisse).

Or, la répartition des exportations suisses par gamme de prix est la suivantes:

Sans_titre

Le produit lancé par Apple devant, selon toute vraisemblance, coûter environ CHF 325.-, il se situe clairement dans la catégorie de produits allant de 200 à 500 CHF (170 à 410 €), soit celle représentant environ 17% de la totalité des montres exportées par la Suisse en 2013. Pour vraiment capter une part substantielle du marché de l’horlogerie suisse, Apple devrait sortir un modèle à moins de 200 CHF. Mais ce n’est pas vraiment le trend, n’est-ce pas ?

Oh, and one more thing, mister Ive. Il est aussi (un peu) intéressant de regarder le chiffre d’affaires dégagé par l’exportation des différentes gammes de prix.

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Pas de bol, la gamme retenue par Cupertino ne représente ici « que » 1 milliard 492 millions de francs suisses (1 milliard 235 millions d’euros), soit 7% du total du chiffre d’affaires réalisé à l’exportation par l’horlogerie suisse en 2013 (total: 20’618,6 Mio CHF).

Alors à moins que la version « Edition » ne coûte environ de 8’400 CHF (prix moyen de la gamme supérieure) et soit vendue à plus de 1’600’000 exemplaires, je crois que l’on ne va pas encore commencer à paniquer tout de suite du côté de la Suisse. D’autant plus que ce segment de marché (qui pèse 65% du chiffre d’affaires…) est constitué quasi exclusivement de pièces mécaniques, issue de marques aussi prestigieuses que technologiques. Bref, on est très (très) loin de la montre électronique, là.

Après, je peux très bien me tromper, hein. Surtout à long terme.

Disons que je n’y crois pas trop pour le moment et qu’à la place de M. Ive, je m’informerais un peu avant de balancer des déclarations aussi péremptoires. Qu’Apple s’empare du marché des horlogers suisses avec une montre électronique à moins de 500 CHF reviendrait à tuer le marché de Porche, BMW, Ferrari et Bugatti en vendant des Dacia Logan… C’est possible, mais peu probable.

Si il faut tirer un premier bilan à chaud de la présentation de hier soir, c’est plutôt que la révolution chez Apple se situe en cela que la Pomme, pour la première fois de son histoire, s’attaque à un marché par le bas de gamme. Et ça, pas certain qu’Apple sache le faire aussi bien que par le haut.

À propos MacBrains
David Borel Responsable Marketing dans une société spécialisée en Veille technologique, j’ai fatalement succombé au charme des produits Apple il y a plus de 10 ans. Cela m’a conduit à fonder MacBrains.info afin de partager cette passion mais aussi de parler de technologie, d’information, de design, de photo et de cinéma. > Pour en savoir plus

17 Responses to Ca sent encore (assez) bon en Suisse, merci

  1. Arnaud says:

    Bonjour,

    Je vous trouve très dur dans votre article. Ok Jonathan s’est un peu emporté, mais que sait-on du futur? Dans 2,3, 5 ans? Tout le monde s’est moqué de l’iPhone à sa sortie, Steve Ballmer le premier, et maintenant on rigole de lui.

    Dans mon entourage (23-27ans), de moins en moins de gens portent de montres. Et si les montres de luxes à plus de 1000€ resteront sans doute pour les suisses, j’ai l’impression que celles entre 200-600€ risquent d’être concurrencées par les smartwatch. Car certe Apple a placé haut la barre de prix, mais c’est le début et d’ici 2-3ans ça risque de tourner autout de 200€. Sans parler de la concurrence.

    Bref, je ne me prononcerais pas trop dans un sens ou dans l’autre, mais cette Apple Watch me plait et moi qui n’ai jamais porté de montre, ma première risque d’être une montre connectée. Ce qui rendra toutes les belles montres suisses peu intéressantes à mes yeux.

    • MacBrains says:

      Bonjour,

      La comparaison avec le téléphone mobile ne me parle pas dans ce cas. En effet, l’iPhone a débarqué dans un marché où la quasi totalité des produits étaient moins chers. Apple a donc attaqué ce marché par le haut de gamme (d’où ma conclusion). Ici, c’est par le bas de gamme que la Pomme compte grignoter le marché. Donc la comparaison ne fonctionne pas.

      Les montres de luxes à 1000€ ne resterons pas que pour les suisses. Je ne parle dans mon article que d’exportations. Donc les chiffres donnés ne le sont que pour des ventes hors de suisse. Et Apple n’a justement pas placé la barre très haut en matière de prix.

      Ceci dit, moi aussi je ne portais plus de montre jusqu’à que je m’achète une… Pebble. La différence c’est que eux ne prétendent pas tuer un marché.

      Mon article est dur (je l’ai classé dans « coup de gueule », c’est pas pour rien) car c’est la déclaration de Ive qui m’a exaspérée et non le produit lui-même. Je suis profondément convaincu de la pertinence de ce type de produit et en suis moi-même un client. Mais quand je lis des déclarations comme celle là, mon clavier chauffe tout seul: L’ignorance n’est jamais une excuse pour la suffisance.

      • Arnaud says:

        Si c’est dans la catégorie coup de gueule 😉

        Globalement je suis d’accord avec vous sur cette déclaration trop pompeuse, mais j’ai quand même l’impression que les suisses risquent de perdre des parts de marché. Pas énorme au début, mais une part quand même et avec le temps, si ces objets deviennent matures (ouverture de portes en entreprises, commandes domotiques, etc.), ils risquent de vite se rendre très utile (indispensable est un trop grand mot).

        En d’autres termes, c’est Apple (et la concurrence avec elle) qui va créer un marché, et ce marché fera du tort aux montres suisses. Mais tout ça c’est à plus long terme.

      • MacBrains says:

        Et une fois encore, je suis d’accord sur le fonds. Je le répète, j’ai une Pebble. Il est fort probable qu’un jour j’ai une Apple Watch au poignet (quoique, le design n’est pas à mon goût, sur photo). Ce type de produit est l’avenir de l’horlogerie grand public.

        Mais l’horlogerie suisse n’est justement pas grand public. La majeur partie de ses marges se fonde sur des produits dit « de prestige » dont certains vont chercher dans les +100K€. Ce positionnement vient de la crise horlogère des années 80, lorsque les montres à quartz ont pratiquement tué l’horlogerie suisse. Alors quand un employé d’Apple, fut-il son designer en chef, vient expliquer qu’il va tout tirer en bas, j’ai de la peine.

        Mais oui, à long terme, je suis convaincu que les montres connectées vont gagner des parts de marché (et que les suisses y viendront aussi 😉 ).

  2. urbanbike says:

    David, je pense assurmément que tu as raison. On en reparlera dans 5 ans. Néanmoins, attention, est-ce Ive qui a parlé ou le journaliste qui a interprété et simplifié…

    • MacBrains says:

      « According to a designer who works at Apple, Jonathan Ive, Apple’s design chief, in bragging about how cool he thought the iWatch was shaping up to be, gleefully said Switzerland is in trouble — though he chose a much bolder term for “trouble” to express how he thought the watchmaking nation might be in a tough predicament when Apple’s watch comes out. »

      Je crois que le journaliste a plutôt minimisé… 😉

  3. Antoine says:

    On ne peut pas comparer avec le téléphone mobile, c’est sûr. MAIS il faut aussi au moins un iPhone 5 pour utiliser pleinement la montre Apple. Sans lui, ce n’est qu’une montre, et se sera ce qu’elle va devenir dans 3 ans, quand l’iPhone 5 aura disparu. Un bon moyen pour Apple de forcer le changement d’iPhone. Alors qu’une montre, même à 200 €, on n’en change pas tous les trois ans.
    Comment vraiment intégrer l’iPhone dans les analyses ?

    • MacBrains says:

      Très bonne remarque (j’en parlais à l’instant avec des collègues): il faut effectivement avoir un iPhone pour pleinement l’utiliser. Et pas question de changer de marque de mobile. Il faudrait tenir compte de cet élément dans le coup d’achat.

  4. Faudra vous acheter un dictionnaire mes amis de macbrains ! sink ne veut pas dire stinks – Ive a parlé de couler le navire ! aie pour vous et pour ceux qui ont commenté…

    • MacBrains says:

      C’est sûr que pour le coup, cela rend la déclaration de Ive beaucoup plus humble et correcte !
      On a bien un dico, le problème c’est qu’on le partage avec MacGé et qu’ils ne nous l’ont pas encore rendu. Mac4Ever étant le suivant sur la liste de circulation, on est pas prêt de le revoir…

      Aie pour nous et ceux qui ont commenté.

  5. Paul says:

    A propos d’histoire, la crise des années 80 pour l’industrie horlogère suisse, vient du « bas de gamme » japonnais, qui à l’époque proposait des fonctions différentes (calculatrice, chrono, précision)… et cela a tué une industrie.
    Il ne faut pas minimiser la concentration du secteur : Breguet, Blancpain, Oméga, Longines, Rado, Tissot, Hamilton, CK Watch et bien d’autre appartiennent à Swatch. Swatch possède aussi le plus grand fabriquant de mouvement automatique. C’est une industrie « fragile » car entre les mains d’un seul homme.
    Il risque quand même d’y avoir un changement de paradigme, peut être pas pour le grand luxe, mais le moyen et le bas de gamme vont vraiment souffrir.
    Reste la durée de vie (mais garde t’on une montre bas de gamme 10 ans ?) et l’autonomie (batterie changeable ?)…
    Le côté lié à l’iPhone est un faux problème, qui disparaîtra dans une V2, l’iPod originel était lié au mac, ce qui limitait son marché et a explosé avec son ouverture au PCs…. à voir donc

    • MacBrains says:

      Merci pour cette intervention très à propos.

      En effet, la crise des années 80 a touché en priorité le bas de gamme. La survie de l’industrie horlogère suisse étant en grande partie due à un repositionnement sur le haut de gamme (pièces à plus de 3’000.-, 65% du Chiffre d’affaire), il me semble qu’elle est maintenant assez bien préparée pour encaisser le choc des connectées « bas de gamme ».

      Certes, des marques comme Tissot sont en première ligne face à l’Apple Watch, mais il ne faut pas non plus sous-estimer la puissance de riposte du Swatch Group.

      L’industrie touchée par la crise des années 80 n’a rien à voir avec celle de 2014. Le Swatch Group, concentrant effectivement un grand nombre d’acteurs mais de loin pas sa totalité, est un bâtiment de guerre bien plus difficile à couler que les barques de pêches d’alors. Et ce groupe comprend également des marques de luxe (Breguet, pour n’en citer qu’une).

      Bref, il est certain que le monde change et que les montres connectées sont l’avenir de l’horlogerie. Mon propos est plutôt de nuancer le catastrophisme ambiant en montrant que l’horlogerie suisse est prête à ce choc, a les capacités technologiques et financières de répondre à la menace et qu’il n’est pas encore temps de crier au feu.

      Pour ce qui est de l’autonomie et de la dépendance à l’iPhone, je te rejoins: La V1 des produits Apple a toujours soufferts de maux de jeunesses bien vite corrigés par la V2. C’est pour cela que j’attendrai moi aussi la seconde version de l’Apple Watch pour en acheter une 😉

  6. Escrocgriffe says:

    Le jour où j’achèterai une montre suisse, ça se sera dans l’idée de la transmettre à mes enfants, et probablement à mes petits-enfants… Je doute fortement que ça soit envisageable avec une Apple Watch 😉

    • MacBrains says:

      Certes, mais quoique… la première version d’un appareil avec une pomme dessus, ça peut prendre de la valeur aussi.

      Et les Swatch en plastiques ne durent pas non plus éternellement, bien qu’elles soient suisses.
      😉

      • Escrocgriffe says:

        Je ne sais pas… on parle de montres qui vont coûter au minimum 350 euros, cela signifie qu’on va avoisiner le millier d’euros avec le modèle or. Quand je pense que mon iPad 1 est devenu obsolète en un an, contrairement à mon iPad 2, qui fonctionne encore)… Jamais je ne mettrai un millier d’euros dans un bijou susceptible de rendre l’âme dans 5-10 ans 🙂 Loin de moi l’idée de troller, je suis sur Mac depuis 2005, j’adore travailler sur mon MacBook Pro Retina. Mais je suis désenchanté par la politique de Cupertino.

        PS : même désenchantement pour l’iPhone 6+. Un smartphone génial, mais au prix largement injustifié. Mention spéciale à la grille tarifaire : 128 Go, 64 Go et… 16 Go, pour bien forcer le consommateur à acheter au moins le modèle intermédiaire, alors qu’un modèle à 32 Go aurait largement convenu à de nombreux utilisateurs.

        Steve, reviens !

      • MacBrains says:

        Tout à fait d’accord avec toi. Et je dois avouer que je suis aussi assez perplexe devant la nouvelle itération des iPhones.

        Pour revenir à la Apple Watch, ce qui me déroute le plus est son design et son épaisseur. J’attendais quelque chose de bien plus affirmé en terme de forme et là, on se retrouve avec un pauvre rectangle bien épais. pour le coup, je suis carrément déçu.

        Enfin, pour ton incantation finale, je crains que tu ne doives te faire une raison. Cette Apple là est définitivement morte.

  7. Escrocgriffe says:

    Complètement d’accord avec toi sur le design, pourquoi ne pas avoir opté pour un objet tout en rondeur, ou même radicalement différent de ce qu’on connait ? J’ai eu le tort de regarder il y a quelques mois les concepts d’artistes qui s’amusaient à imaginer l’iWatch, du coup j’ai été déçu 🙂

    « Enfin, pour ton incantation finale, je crains que tu ne doives te faire une raison. Cette Apple là est définitivement morte. »

    Je le crains également.

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